La nuit sans lune, c'est un grand manteau lourd et sombre. Un manteau qui enveloppe le col de la Bernina de silence. Seul le vent se fait entendre de temps à autre, sifflant et hurlant, chantant et chuchotant. Seuls quelques mètres séparent le sommet du col de la gare "Ospizio Bernina". Mais cette nuit, ils semblent infiniment éloignés l'un de l'autre. La neige est épaisse, molle, et avale chaque pas avant de les recracher paresseusement. Dans l'obscurité, il y a "la Bestia", la bête. Ce nom est dur pour le ton affectueux, fier et admiratif avec lequel il est prononcé. Par les collaborateurs des RhB, par les passionnés de chemin de fer, par les amateurs de technique, par les étonnés qui, en hiver, traversent le paysage enneigé du col de la Bernina et aperçoivent peut-être "la Bestia", l'une des fraiseuses de la Bernina. Deux d'entre elles sont en service, elles peuvent projeter huit tonnes et demie de neige par heure à grande vitesse, jusqu'à quarante mètres, et dégager ainsi une piste de six mètres de large. Sans eux, le maintien de la ligne ferroviaire par le col de la Bernina en hiver serait bien plus difficile. La lumière perce l'obscurité et indique le chemin vers l'Ospizio. Et à un moment donné, des voix. Le claquement des pelles à neige. Au col de la Bernina, la journée commence dans la nuit. En effet, pour que le premier train puisse traverser à six heures la carte postale enneigée sous la forme d'une flèche rouge, les rails doivent être libérés de la neige de la nuit. Une danse de l'œuf logistique. On appelle "dirigente" le responsable du service ferroviaire. Une vingtaine de travailleurs sont à l'œuvre au col de la Bernina en cas de fortes chutes de neige. Lorsque la première équipe commence à quatre heures du matin, puis et sans interruption tout au long de la journée.